Du fond de mon cœur, lettres à ses nièces de Jane Austen

4/5

Ce petit livre regroupe des lettres écrites par Jane Austen à ses nièces favorites, Anna, Fanny et Caroline, durant les dernières années de sa vie. Elle parle de ses romans, de leurs succès en librairie, elle parle de Orgueils et préjugés, de Mansfield park, de Northanger Abbey, elle parle sans en cité le titre de son travail sur Persuasion.

Elle parle aussi beaucoup de la société qui l’entoure, des voisins, des nombreux oncles, tantes, nièces, neveux, qui leurs rendent visite à elle, Cassandra, et leur mère, Madame Austen, leur vie au cottage de Chawton. Elle encourage Anna dans ses propres travaux d’écriture, puis plus tard, la très jeune Caroline, qui s’est lancé dans l’écriture de petites histoires.

Au travers de ses lettres, elle parle parfois de choses simples, ordinaires, quotidiennes, et parfois de choses plus profondes comme le mariage, l’amour, les indécisions de sa nièce Fanny quant à ses différents prétendants. Elle conseille énormément Anna et Caroline sur les histoires qu’elles écrivent et qu’elles envoient à leur tante pour avoir son avis. Elle nous parle aussi de ces lectures, de son admiration pour Walter Scott, et cite quelques références littéraires, quelques auteurs qui l’ont marqué dans ses lectures, et elle m’a donné envie de lire certains romans qu’elle cite dans ses lettres!

Les lettres qu’elle écrit à Fanny sont plus profondes, elle l’a conseille beaucoup sur le mariage et l’influence quant aux décisions qu’elle doit prendre concernant ses prétendants. On retrouve avec ces lettres à Fanny ce qu’on peut entrevoir dans le téléfilm Miss Austen regrets, interprété par Olivia Williams dans lequel elle exprime la même chose que dans certaines des lettres qu’elle écrit à Fanny, à savoir qu’un mariage doit être fonder sur un sentiment amoureux, sous peine de risquer une union malheureuse. Elle critique aussi un peu sa nièce Anna, qui est dorénavant mariée, et qui semble enchainer les grossesses, choses que Jane Austen semble regretter et critiquer.

Au fil des lettres, on devine son état de santé se dégrader au fur et à mesure qu’on approche de sa date de décès, elle se fatigue, son teint n’est plus ce qu’il était, elle reporte certaines visites. J’ai ressenti une certaine tristesse et mélancolie en lisant ces dernières lettres.

Après son décès, Cassandra (la sœur de Jane Austen) explique à Fanny son désarroi et surtout, elle raconte les dernières heures de sa sœur dans les détails, peut être un moyen pour elle de se soulager en partageant ce qu’elle a vécut cette nuit là, un moyen d’apaiser sa tristesse. La lettre est poignante, forte, on s’imagine facilement les dernières heures de Jane, et c’est une lecture forte en émotion.

Le recueil se termine par quelques lettres des nièces de Jane, Anna et Caroline, qui sont dorénavant de vieilles dames et qui essayent de coucher sur du papier les quelques souvenirs ou émotions qu’elles ont gardés de leur tante Jane, dans le cadre d’une biographie écrite par un membre de leur famille. Anna et Caroline se remémorent leur tante tant aimée, la facilité qu’elle avait de jouer avec eux, de les aider, de les aimer, d’être toujours disponible pour eux, on sent l’amour qu’elles ressentaient pour Jane Austen, le manque qu’elles ont ressenties quand elle est morte, la déception qu’elles ressentaient quand elles allaient en visite à Chawton, et que leur tante Jane était absente.

Mais au travers de ces rares lettres écrites par Anna et Caroline, on se rend compte que Jane Austen était aussi quelqu’un de  mystérieux. Si les lettres qu’elle écrit à ses nièces nous laisse entrevoir une Jane Austen intelligente, ouverte d’esprit, sociable, gentille, douce, talentueuse pour raconter des histoires, et surtout bourrée d’humour, un humour fin, intelligent, pertinent, si ces lettres nous montre une Jane Austen pas si éloignée du caractère de certaines de ses héroïnes de romans, une Jane Austen drôle, qui écrit ses lettres aussi bien qu’elle écrit ses romans, on en sait trop peu sur ses sentiments, sur ses émotions, et sur sa vie privée. Elle ne devait pas se confiée énormément, mis à part à sa sœur Cassandra, puisque ses nièces Anna et Caroline n’ont pas su dire beaucoup de choses concernant la vie de leur tante Jane.

Le recueil inclut aussi une lettre de Fanny, la nièce préférée de Jane Austen, a qui il est demandé aussi son avis et ses souvenirs concernant sa tante. Fanny est la fille du frère de Jane Austen qui fut adopté par une riche famille pour en faire leur héritier. La mère de Fanny est issue d’une famille financièrement et socialement plus élevée. Dans cette lettre, écrite alors que Fanny est devenue une vieille dame, on sent l’aigreur de la nièce préférée, qui oublie de faire tout éloge de sa tante, loin du ton des lettres de Anna et Caroline. Elle parle de sa tante de manière négative, on ne ressent aucun amour dans cette lettre dans laquelle elle dit que sa tante n’était pas suffisamment élevée dans le rang sociale pour être intéressante, qu’elle manquait de finesse, d’éducation, de manière pour évoluer dans le monde, qu’elle se contentait de visites de voisins médiocres et que les rares occasions où elle s’élevait un peu en société, elle le devait à Fanny et sa famille, qui lui permettait de fréquenter des gens plus intéressant. Une lettre mesquine et décevante de la part de la nièce préférée, qui ne parle pas du tout de son talent d’écriture ou des nombreux conseils que sa tante à pu lui donner.

Une note explique tout de même que le ton de cette lettre venait sans doute du fait que la famille de sa mère n’a jamais appréciée Jane Austen et encore moins ses romans, que l’époque victorienne depuis laquelle Fanny écrit la lettre est plus guindée, plus moraliste, moins simple que l’époque à laquelle Jane vivait. Une note explique aussi que l’attitude de Fanny viendrait peut être du fait qu’elle se soit finalement mariée tardivement avec un homme plus âgé, alors qu’elle aurait pu se marier plus tôt avec quelqu’un de plus jeune et séduisant, si elle n’avait pas écouté les conseils de sa tante d’attendre de trouver un homme qu’elle aimerait sincèrement pour se marier…

Un recueil de lettres qui se lit tout seul, qui nous permet de retrouver le style et l’humour de Jane Austen dans un très jolie format, à ne pas manquer pour tout fan de l’auteur!

« C’est avec Chawton, que le nom de Jane Austen, en tant qu’écrivain doit être associé ». Caroline Austen.

« J’ai perdu un trésor, un sœur et une telle amie que jamais rien ne pourra la surpasser. Elle était le soleil de ma vie, l’étincelle de tous les plaisirs, le réconfort de toutes les peines, je ne lui cachais rien, c’est comme si j’avais perdue une partie de mon être. » Cassandra Austen.

 Lu dans le cadre du Mois anglais

12 réflexions sur “Du fond de mon cœur, lettres à ses nièces de Jane Austen

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    • De Jane Austen je n’ai toujours pas lu Mansfield park, le recueil de Juvenilia, et Lady susan, donc j’ai encore de quoi faire! peut être que j’aurais le temps d’en lire un avant la fin du mois anglais!

      • Juvenilia c’est sympa à lire, Lady Susan j’ai adoré! Et j’ai lu hier soir (c’est très court) Love and friendship et beaucoup aimé aussi. Il me reste encore pas mal de romans à lire comme Emma, Northanger Abbey ou Mansfield park.

      • J’ai beaucoup aimé Northanger Abbey et Emma, je vais surement caser dans le mois anglais Lady Susan ou Sanditon, avoir lu le recueil de ses lettres à ses nièces m’a donné très très envie de me plonger dans un roman pas encore lu de Jane Austen!

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